Hier soir, nous étions de sortie...
Comme chaque année, depuis dix ans « ça Jazz à Saint Lys »...
Bien sûr, ce n'est ni Montreux, ni la Pinède de Juan...
Bien sûr même si on est dans le Sud-Ouest, on n'est pas à Marciac...
Mais c'est un super moment de bonheur tous les ans...
Alors, hier soir, deux formations, Jambalaya et Tuxedo (demandez le programme)...
Alors, pour comprendre ce qui va suivre il faut que je vous parle d'un temps que
les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...
(c'est beau, on a presque envie d'en faire une chanson
).
Fin des années 80, mon travail m'amène à faire un séjour à la Nouvelle Orléans,
pour une conférence... A l'époque, le Jazz, j'en écoute parfois, mais, sans plus, cela me parait un peu lointain, un peu compliqué...
Mais, une amie qui participe à la conférence, m'invite à l'accompagner dès le
premier soir. Elle veut aller à Preservation Hall. Je n'ai aucune idée de ce qui m'attend, mais pourquoi pas.
Nous arrivons devant une maison que rien ne distingue des autres... Pas de néon,
pas de bruit... Juste une file de gens qui attendent... Nous rejoignons la file, et quand notre tour arrive, nous réglons notre entrée (ridiculement pas chère) et nous rejoignons la
salle...
Premier choc...
C'est plus petit que n'importe laquelle des petites salles de réunion où nous
passons nos journées et il y a déjà deux fois plus de monde, et on continue à arriver...
Les premiers se sont installés au plus près de l'espace où sont placé les
instruments, car ici, pas de scène. Mais pourquoi faire une scène, puisqu'il n'y a pas de siège non plus... Juste un gradin sur la partie arrière pour donner un peu de visibilité... Et tout le
monde est assis par terre... On va attendre quelques minutes que la salle se remplisse... Cela va très vite, car elle est minuscule...
Et second choc, un premier vieillard arrive et prend place au milieu des
instruments, et puis les autres suivent... Ce soir là, ils seront six ce qui est en général le cas... Ils ont à peine assez de place...
Le silence se fait, et ils attaquent... Et là, on oublie les vieillards pour
découvrir les artistes...
Et rapidement, le ton monte, et on oublie les artistes pour découvrir les
hommes...
Il existe une telle complicité entre eux, qu'on a le sentiment à la fois d'être
des leurs, et par instant d'être de simples voyeurs...
Je pense qu'à eux six, ils ont presque cinq siècles !!! Cinq siècles
de vie, d'amitié et de musique...
Alors, la conférence a duré cinq jours, et les cinq soirs nous sommes revenus,
pour vivre avec eux et tous les autres qui forme l'ensemble de Preservation Hall, ces instants de bonheur en écoutant une musique parfois pleine de désespoir...
Et l'année d'après la même conférence a eu lieu au même endroit, et je n'ai pas
résisté au plaisir d'inviter ma femme à m'accompagner...
Alors, je ne peux pas dire « le Jazz, je connais », mais juste
« le Jazz de la Nouvelle Orléans, j'aime »...
Ouf, me direz vous... pourquoi une telle introduction... Simplement parce que
pour une fois j'ai eu envie de parler de moi.
Résultat, j'ai perdu la moitié de mes fidèles lecteurs, qui ne sont même pas
arrivés là...
Bon donc nous revenons à hier soir.
Je vous l'ai dit (et vous l'avez lu si vous avez suite le lien que je me suis
donné la peine de vous offrir), deux formations.
La première, 7 musiciens et une chanteuse...
Elle nous offre à écouter un jazz « Nouvelle
Orléans »
La seconde, 15 musiciens et une chanteuse...
Elle nous offre une musique de « Big Band »
Les deux auront la plaisir d'accueillir un musicien de la Nouvelle Orléans, Leroy Jones...
En première partie, ils arrivent un à un et s'installe à leur pupitre... Ils sont
peu nombreux, alors, ils vont se mettre en quatre.
On dirait que le contrebassiste a dix doigts à chaque
main...
Les mots qui me viennent à l'esprit, sont « mouvement »,
« écoute » et « plaisir » ...
Leur invité trouvera tout naturellement sa place au milieu de ce débordement de
joie...
Le pianiste s'est lâché, la veste est repartie au vestiaire sans lui, et on
découvre qu'il a quatre mains...
Le final est une fête...
Et vient la seconde partie...
On a à faire à une formation bien réglée... La mise en scène est parfaite. Le
rideau s'ouvre sur un ensemble installé qui lance ses premières notes, à l'unisson...
Les mots qui me viennent à l'esprit, sont « ordre »,
« rigueur » et « professionnalisme » ...
Tout est parfait... C'est d'abord un ensemble, un grand
ensemble...
Chacun joue sa partition avec sérieux...
Même les improvisations sont programmées...
Même le final et le rappel sont parfaitement orchestrés.
C'était une superbe soirée...
Deux approches différentes pour une même musique, et un même
plaisir.